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28/12/2009

KILLING JOKE; INTERVIEW JUILLET 1996. RAGE N°19





Un studio dans le sud de Londres. Killing Joke s'y exerce en vue de la tournée "Democracy". Une salle de répète métamorphosée pour l'occasion. Tapis orientaux, coussins, lumière tamisée, éclairage aux cierges, odeur de marijuana, ambiance d'exorcisme. L'univers Killing Joke refaçonné par un roadie dont l'unique travail est de redécorer les loges. Jaz Coleman roule un énième pétard assis en tailleur au milieu de la pièce. On ne pose pas de questions au chanteur. C'est lui qui parle. Monologue au goût de thé et de pétard sous l'oeil amusé du toujours nonchalant Geordie.


"Cette année est importante pour nous. Killing Joke va avoir 18 ans. L'idée la plus difficile à faire passer au public est que KJ ne se résume pas à un simple groupe de rock. KJ a démarré comme un moyen d'études. C'était l'occasion pour nous d'expérimenter, de vivre de nouvelles aventures. KJ nous a servi de clé, de passepartout. De KJ est né de nombreuses passions. Paul (Fergusen, batteur de la première époque) vit aujourd'hui à Porto Rico. Il modèle des sculptures qu'il vend à travers le monde. Youth (basse, absent de la tournée pour cause de contrats d'enregistrements à terminer) est devenu un des meilleurs producteurs et remixeurs du monde (de Crowded House à Faith No More). Geordie est également producteur (Pygmy Love Circus) et développe de grandes idées architecturales. Je travaille avec l'orchestre symphonique de Nouvelle-Zélande et je vais prochainement enregistrer une pièce symphonique de 120 musiciens avec Philip Glass. Tout ça, c'est Killing Joke. Le groupe n'est que la partie visible de notre édifice. "


I HAD A DREAM
"Ce sont les rêveurs qui ont construit le monde. Ce sont eux qui ont aidé notre civilisation à se développer. La société actuelle semble l'avoir oublié. Les étudiants s'enferment dans leur université avec des livres d'économie, de commerce, de gestion. Je n'ai pas de diplôme mais j'ai un savoir plus vaste que mon frère, qui est professeur de physique quantique à l'université de Princeton. Il faut apprendre sans arrêt, s'enrichir intellectuellement, c'est un devoir moral. C'est l'attitude que KJ a décidé d'adopter. Voyager est la meilleure forme d'éducation possible. Et à nous quatre, nous avons parcouru une grande partie de la planète. " Jaz est une mine d'informations, une espèce d'encyclopédie vivante, un bibliothécaire du troisième millénaire obsédé par un désir de connaissance totale. Des études entreprises en Islande, au Moyen-Orient, en exRDA, en Russie, au Caire ... "J'ai fini ma première symphonie au bout de 10 ans. Je l'ai commencée en Islande et finie en Nouvelle-zélande. L'entendre jouée par un véritable orchestre symphonique a été un accomplissement. Les rêves se réalisent si on le veut véritablement. Napoléon a dit un jour: "Méfiez vous de l'homme qui rêve les yeux ouverts. " C'est un principe qu'utilisait Salvador Dali et que nous reprenons aujourd'hui. Notre but est que chacun des membres du groupe puisse, à la fin de sa vie, citer trois succès personnels. KJ est une expérience dans l'accomplissement des rêves. On invite les gens à s'épanouir, à se découvrir artistiquement et intellectuellement. Tout le monde devrait être capable de faire de la musique ou d'écrire. C'est l'idée même de la Renaissance. Nous tenons à notre patrimoine européen. Il faut réinstaurer une identité européenne, faire de notre culture underground la vraie culture. "
Passionné par son discours, Jaz l'interprète, le vit. Tour à tour bouffon, philosophe, révolutionnaire, il insiste sur ses multiples personnalités. "L'une d'entre elles est le Black Jester (le bouffon). Il est mon système de défense. C'est celui qui se faisait traiter de paki (Jaz est mi-indien, mi-anglais) lorsqu'il allait à l'école. De lui provient ma haine, ma rage. KJ lui sert de thérapie. La deuxième est le joueur d'ocarina. L'ocarina a été mon premier instrument. Je devais avoir 4 ans lorsque je l'ai eu. J'étais à Barcelone et je me suis tout de suite mis à en jouer dans la rue. Les gens me lancaient des pièces. J'ai vite compris où résidait mon futur (rires). Ce personnage est innocent, spirituel. Puis il y a ma sexualité. IProportionnellement à la quantité d'herbe absorbée, le discours du chanteur rebondit dans tous les sens passant de l'existence de Dieu à des recettes de cuisine de poisson à la bière. Un discours empreint d'une logique et d'un raisonnement qui n'appartiennent Qu'à son auteur. Finalement, le groupe se décide à répéter. Dans une pénombre presque totale, Jaz, parfois trop stone pour chanter, tente tant bien que mal de jouer au chef d'orchestre. Une dizaine de morceaux plus loin, lessivé, KJ remet la suite au lendemain. Pour Jaz, plus de problèmes métaphysiques. Une seule question reste en course : "Qui s'occupe d'acheter l'herbe demain ?"
Punk un jour. Punk toujours.












BLINDTEST
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Glen Brenca "Symphony N°1
"
J.C.- J'aime l'atmosphère et la puissance qui se dégagent mais j'ai besoin de plus : quelque chose de plus musical qui pousse à bout toutes mes émotions. C'est ce qu'il faut pour que la musique change la vie des gens.
The Clash "White riot
"
J.C. - On répétait dans le même local qu'eux à nos débuts et on ne les aimait pas du tout parce que pour nous, c'était des fossoyeurs du punk. Et récemment, j'ai croisé Joe Strummer dans un bar. Après tant d'années, il est resté un type vraiment bien alors qu'il a dû subir une pression énorme et le revers de la médaille. De quoi finir dans l'alcool, les drogues ou la religion.
John Coltrane "Olé"J.C.- Là, il y a une vraie émotion. Je n'aime pas la musique faite avec des ordinateurs. Je suis un vieux schnock. Je n'aime pas tout ce que fait Youth, par exemple. Mais il a beaucoup d'imagination. C'est sans doute le meilleur sur la scène dance. Dès le début de Killing Joke, c'est lui qui amenait le groove, la chaleur, le sexe.
Cypress Hill "Insane in the brain"J.C. - Je n'aime pas les groupes qui ne font que parler d'eux mêmes. C'est tellement limité! Et puis, le rap ne fait pas partie de ma culture, je ne peux pas m'y identifier.
Dead Kennedys "At my job"
J.C.- Ça ne me touche pas trop. Je connais mieux leurs débuts. Jello Biafra est fantastique, très concemé par ses proches. Mais le punk américain n'avait ni racines ni fondements. Beaucoup n'étaient là que pour choquer. Comme Rollins qui, lorsqu'il était dans Black Flag, disait que Charles Manson était un type bien. Il y avait plus de coeur dans la scène anglaise.
Foetus "Free James Brown"
J.C.- L'accent américain me crispe. Avec le punk anglais, pour la première fois depuis longtemps, les chanteurs n'avaient plus honte de leur accent. La plupart des groupes ont été influencés par le blues alors que Killing Joke était un groupe européen.
Gnawa Music Of Marrakesh "Baba l'rouami'
'
J.C.- J'adore cette musique. Elle possède tout ce que nous avons perdu en Occident.
Kraftwerk "Radloactivity"
J.C.- J'aime beaucoup Kraftwerk. Il y a vraiment une identité européenne et un renouvellement dont les Américains sont incapables. La scène allemande de cette époque est d'une richesse incomparable. L'Europe est une terre de compositeurs et l'Amérique un rocher aride.
Nirvana "Come as Vou are"J.C.- Bah, que puis-je dire? C'est note pour note "Eightees", un de nos morceaux.
The Orb "Valley"
J.C. -C'est un peu chiant.
- C'est The Orb, Youth y participa au début.
J.C.- Ça devait être mieux à l'époque, alors.
Prong "Prove vou wrong"
J.C.-Ah ! Le groupe dans lequel joue notre ancien bassiste! Du white thrash ! Du métal américain ! Quelle bêtise !